Hélène Bertin, la garconnière

Sur une sculpture au bois brute façonnée avec des arêtes saillantes et droites est délicatement suspendue une composition éditoriale, ensemble de deux aquarelles où s'intercalent des parties en tissus rouges et bleus ornés de motifs, le tout maintenu par deux épaisses lamelles de bois. La sculpture a été composée selon le modèle d'un confident, fauteuil double en forme de S créé au 19ème siècle pour que deux personnes puissent discuter en toute intimité sans incliner leurs corps.

 En épurant le fauteuil pour qu'il ne garde que ses lignes de forces, Hélène Bertin propose un objet qui épuise sa fonctionnalité pour épouser d'autres histoires, comme celle racontée à travers l'édition ici présentée. Il fait partie de la série de ses objets locataires, oeuvres transportables qui, selon le contexte, se donnent comme le lieu d'émergence de diverses narrations. Dans l'édition, les deux aquarelles esquissent l'espace intime et secret d'une chambre à coucher à partir du dessin d'une litière et d'un pilier qui flottent sur la surface blanche du papier, extraites de leur contexte. Chaque tissu rouge ou bleu qui s'intercale entre les aquarelles dépeint un motif différent répété sur la surface du tissu. Ils rappellent les motifs légers et filiformes peints sur bois par l'artiste Marc Camille Chaimowicz, qu'Hélène Bertin affectionne.

 Le cas d'étude pour la session 4 du projet "Si nous continuons à nous parler le même langage, nous allons reproduire la même histoire", est la garçonnière du personnage de Louise dans le film "Les nuits de la pleine lune" (1984) d'Eric Rohmer, incarnée par l'actrice Pascale Ogier. Le film raconte que Louise loue un studio à Paris et l'aménage alors qu'elle vit encore en couple avec son compagnon Rémi dans un appartement à Marne-la-Vallée. Après le tournage, Rohmer raconte que Pascale Ogier avait elle-même choisit le décor de sa garçonnière.

 L'édition posée sur le confident se donne ainsi comme une proposition que l'artiste a pensé pour Louise, une suite de motifs pour sa literie qui sont comme autant de draps qu'elle pourra utiliser à chacun de ses rendez-vous amoureux. Les deux couleurs rouge et bleu ont été choisies pour leur dynamique binaire et stimulante qui reprend le code couleur des températures simulant un potentiel érotique.

 Comme une alcôve, la sculpture-confident ouvre les portes du récit intime d'une vie libertine, où les textures, couleurs et formes répondent à un imaginaire du secret, du désir et de l'indépendance.




 Hélène Bertin, la garconnière, 2014. Valchromat et charnière / édition valchromat, papier et tissu

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